17.3.07

Ecrire de la fantasy: les bases (1ère partie)

Comment écrit-on de la fantasy? Je vois souvent cette question posée. Je ne prétends pas avoir une réponse universelle, mais j'ai quelques idées. On peut toujours juger du résultat: allez voir mon bouquin et feuilletez l'aperçu. C'est gratuit. Je pense que c'est un travail décent, non?

Ajoutons à cela plusieurs bouquins, des ouvrages techniques et des méga-octets d'articles. Pas un auteur à succès, mais pas un débutant non plus, donc.

Bon, alors quelle est la recette? Premièrement, il faut savoir écrire en bon français. Il y a des quantités de liens expliquant les détails techniques, comme les règles typographiques, etc. Mais si on ne sait pas composer une phrase, tout cela est inutile.

Une fois que vous aurez avalé assez de saines lectures pour pouvoir aligner trois mots sans fautes, il vous faudra encore savoir composer et raconter une histoire. Ce sont les bases de l'écriture. On peut les apprendre en lisant les grands raconteurs de notre époque. Ensuite, il faudra passer à la pratique en essayant de vendre quelques textes courts. Enfin, il faudra acquérir quelques ouvrages de référence.

Voilà donc le programme.

  • Lire beaucoup
  • Ecrire des articles de presse
  • Potasser quelques ouvrages de références

Commençons par...

Lire beaucoup



Rares sont les gens qui acquièrent de naissance le génie de l'écriture. Il faut lire beaucoup pour apprendre les ficelles du métier. Cela permet d'enrichir son vocabulaire et de comprendre comment monter une histoire, raconter les péripéties d'un récit, décrire les persos, fouiller leur psychologie, s'attarder sur les éléments de décors... Tout cela sans peser sur le lecteur.

C'est pour ça qu'il faut aussi bien choisir ses lectures. Pour écrire de la fantasy, on préfère en général le style narratif classique. Celui-ci a relativement peu évolué depuis les années 30, l'âge d'or du fantastique. Il est donc recommandé de lire de bons auteurs sans bouder les vieux classiques. Donc, pas la peine d'essayer de singer le style du dernier Goncour ou des prix littéraires à la mode, ce n'est pas le style qui convient pour écrire de la fantasy.

Il faut donner la priorité aux grands raconteurs d'histoire, ceux qui ont prouvé qu'ils savent écrire. Voilà ceux que je recommande.

Robert A. Heinlein





Un très grand écrivain. Son seul ouvrage de fantasy pure est "Route de la gloire" (ou "En route pour la gloire" selon les traductions). Mais sa SF peut servir de modèle à tous les apprentis-écrivains. Lisez ses juveniles, romans de SF soi-disant pour adolescents. Heinlein les écrivait comme pour des adultes, en se contentant d'épurer les scènes de sexe et de violence. On peut délaisser ses livres "modernes" qu'il a écrit sur le tard, qui sont au contraire débordant de sexe. On trouve ses bouquin chez J'ai Lu, chez Folio et en Poche, entre autres.

Heinlein affirmait qu'il n'y a que quelques histoires-types auxquelles tous les romans se rattachent. Il disait aussi qu'en SF, on fait comme dans un garage douteux: on vole des pièces chez le gars d'en face, on lime les numéros de série, et on les refile sans vergogne. C'est vrai également en fantasy! Alors voilà les archétypes où vous pouvez piocher le genre de votre prochain grand roman:


  • En route pour la gloire (Egalement publié sous le titre "Route de la Gloire") - L'archétype ici est "héros malgré lui" avec un thème sous-jacent du "héros qui trouve sa princesse". Un roman de fantasy très drôle, mené tambour battant. Utile pour apprendre à amener l'humour dans un cadre de fantasy.

  • Une porte sur l'étéUne histoire de SF classique, avec voyage temporelle et héros qui surmonte des épreuves. Très utile pour comprendre comment peindre la psychologie des sentiments à petites touches. L'archétype est ici "la vengeance après la trahison" avec une touche de romance.

  • Etoiles, garde à vous ! (Starship Troopers) Oubliez le calamiteux film "Starship troopers", qui ne fait référence qu'à la "chasse aux aliens", un bref épisode à la fin du livre. Le thème est ici "le garçon devient un homme", un gars ordinaire propulsé dans une guerre intersidérale où il se révèle être un meneur et un exemple.

  • Révolte sur la Lune Ce livre est très intéressant parce qu'il introduit une conspiration bien menée. On peut même dire qu'Heinlein nous livre un manuel de guerre révolutionnaire. Si votre roman de fantasy dépeint l'insurrection de quelques courageux contre un roi/seigneur/empire/clan puissant et cruel, vous pouvez considérer cet ouvrage comme un modèle. L'archétype est bien sûr "le héros triomphe de l'obstacle" avec d'intéressants aspects "vieux mentor sage" et un peu de romance. Le complot, qui est d'habitude l'arme de l'adversaire, est ici au centre de la tactique des "bons".

  • Marionnettes humaines - Voilà LE livre classique sur les envahisseurs masqués ou l'épidémie de zombies. Dans un cadre un peu futuriste, voici l'histoire d'une invasion d'extra-terrestres qui prennent possession des humains en se fixant à eux. Ce bouquin a été repompé dans plusieurs films, un vrai scandale, et le thème est devenu archi-classique. Il y a même un film intitulé "Les Maîtres du Monde" qui prétend s'inspirer du livre, mais franchement, il est nul en comparaison du livre. Les archétypes sont "le héros triomphe" et "le complot" avec une romance très bien menée.

  • Citoyen de la galaxie L'un des meilleurs de Heinlein. Si vous n'avez jamais rien lu de lui, commencez par celui-là. C'est l'histoire d'un jeune garçon qui passe du rang d'esclave à celui de maître d'un empire commercial. Le monde de SF où débute l'histoire pourrait très facilement être transposé à un monde de fantasy moyenâgeux, c'est pourquoi c'est une lecture précieuse. Le livre offre aussi la description de trois sociétés différentes, avec leurs valeurs, leurs moeurs, leur existence quotidienne, et c'est là aussi une grande leçon d'écriture. Les archétypes sont "le garçon devient un homme" et "le complot" avec un brin de romance.



Raymond E. Feist



Un autre Américain. Celui-ci est un grand maître de la fantasy, avec une excursion dans le domaine du fantastique. Contrairement à Heilein qui faisait des livres courts et denses, Feist a vite adopté la trame classique des grands cycles, avec des trilogies aux nombres de pages impressionnants.

Mais il faut au moins avoir lu ses trois premiers romans, le cycle de "La guerre de la faille", qui sont indépendants. Chacun de ces trois livres est une histoire complète, et on peut s'arrêter là sans avoir l'impression de rater la fin. On gagne à lire l'ensemble dans l'ordre.


  • Magicien Le premier livre de Feist. L'ascension d'un jeune page qui devient un très puissant magicien, dans le cadre d'une guerre sanglante. Vous aurez reconnu l'archétype du "garçon qui devient un homme" et du "héros malgré lui". Signalons aussi que le livre suit plusieurs groupes séparés, avec des coupures bien amenées. Ajoutons un peu de romance, l'archétype de la révolte contre les puissants, et vous avez un très bon mélange.


  • Silverthorn L'archétype est ici le héros qui doit triompher de l'obstacle et rapporter le schmilblik. La fiancée du héros a été empoisonnée, le héros doit aller trouver une "silverthorn", une plante qui est l'ingrédient indispensable pour un contre-poison. Vous aurez reconnu une trame très classique (voir par exemple "Astérix chez les Helvètes"). Romance, complot, aventure, un livre bien mené, qui vous apprendra les ficelles du roman d'aventure classique.

  • Ténèbres sur Sethanon Autre roman d'aventures classique, "Ténèbres sur Sethanon" raconte une histoire-type de péril masqué qu'on découvre peu à peu avant qu'il ne se dévoile, menaçant le monde. Trame classique et efficace.



Jean-Michel Charlier



Quand on parle des grands raconteurs, on est obligé de mentionner Charlier. Voilà un type extraordinaire, pilote, journaliste, enquêteur, cinéaste, écrivain, et bien sûr scénariste. Il nous a laissé des émissions de télévision et surtout des BD. Et quelles BD! Si vous n'avez jamais lu la série des "Barbes-Rouge" ou les "Blueberry", vous vous privez d'un grand plaisir.

La série Barbe-Rouge raconte les aventures d'un pirate du XVIIIe siècle qui écume la mer des Caraïbes, avec des épisodes en Europe et dans le Nouveau-Monde. Les histoires sont menées de main de maître. Même avec les restrictions qu'impose le format BD (les personnages manquent parfois de profondeurs), on est pris par le récit et ses rebondissements. Cette série est très utile pour apprendre comment "poser" un récit dans un environnement médiéval.

Plusieurs autres séries de Charlier sont aussi d'excellents choix pour l'apprenti-écrivain. En particulier la série "Blueberry", qui rappelle les films de Raoul Walsh par ses aspects sombres et ses récits fouillés. Les faire-valoir de cette série (en particulier le vieux râleur, McClure) sont eux-mêmes des archétypes de personnages secondaires souvent imités. Recommandons en particulier le cycle "Chihuahua Pearl", qui ferait un très bon film. Là encore, on apprendra quelques ficelles pour placer une histoire et composer des personnages.



Greg



On peut être surpris par le choix de Greg, de son vrai nom Michel Régnier, comme auteur de référence. On le connaît surtout pour le bavard Achille Talon qui'il dessinait, et pour les douces rêveries d'Olivier Rameau dessiné par Dany, dont Greg assurait le scénario. Des classiques de la BD, certes, mais un peu loin de la fantasy peut-être?

Pas vraiment. Greg est aussi l'auteur des séries réalistes Bernard Prince, Bruno Brazil et Comanche, entre autres. L'apprenti-écrivain peut utilement s'inspirer de ces oeuvres. Ces séries ont les ingrédients nécessaires : action, rebondissements, bons persos secondaires, et dialogues hilarants.

Les dialogues, en particulier, sont la marque de fabrique de Greg, qui a souvent été comparé à Michel Audiard pour sa truculence. Même dans les situations les plus tragiques, les héros de Greg se laissent souvent aller à des réflexions tragi-comiques dont on pourra s'inspirer pour bâtir les personnalités d'un livre.

La prochaine fois



La prochaine fois, nous passerons à l'étape suivante, comment apprendre à vendre ses écrits.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Vite ! La suit, vite !
Il est vital pour moi de lire votre article pour vendre... un article.
J'ai mis votre blog dans mes favoris ;)

Eric Ferris a dit…

Ca y est, le nouveau volet est posté. Merci!

Anonyme a dit…

Des auteurs comme Salvatore ou Tolkien ou même Gemmell aurait mériter d'être noté ...

Eric Ferris a dit…

Des auteurs comme Salvatore ou Tolkien ou même Gemmell aurait mériter d'être noté .Tolkien réclame une approche plus subtile. On ne peut pas conseiller à un débutant en écriture de s'inspirer de Tolkien. C'est comme prendre un débutant en solfège et lui dire de s'inspirer de Beethoven.

Tolkien était un linguiste, un poète et bien sûr un écrivain. Mais avant de prétendre se hisser à son niveau, il faut travailler les ressorts de base de la narration.

Voilà pourquoi les Grands Anciens comme Tolkien sont absents de ma petite liste.

Anonyme a dit…
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